• Renaissance

    Faut-il mourir un peu pour mieux renaître ? Sème-t-on un peu de vie à chaque seconde ? Que trouverons-nous après ? L'après... Que nous réserve-t-il, sinon un instant poétique, entre ici et l'ailleurs ?

         Comme dans les bas-fonds. Le fin du fin des abysses, où les ténèbres sont lois, s'abat sur moi. Implacable et impitoyable, il gicle et tourbillonne ; le niveau monte. L'angoisse me prend du bout de ses doigts de fer rouillés, pour faire de moi son pantin. Une danse absurde s'exécute dans un caisson qui prend l'eau. Je perds tout espoir quand, flottant de mon mieux, ma face s'écrase contre le plafond visqueux. Les voilà, ces insidieuses perfides, qui s'écoulent en moi par tous mes orifices. En état de viol liquide, je perd connaissance. Sombre génie de l'obscur, tu t'empares de tout mon être, jusqu'à mon jardin le plus intime, jusqu'à mes secrets les plus oubliés. La pression monte d'un cran, je me sens écrasé de toute part. Plus aucun vide, tout est comblé. Etrange chose que la vie, qui se réveille et s'agite quand on lui fauche sa place. Somnolente la plupart du temps, elle ne réagit qu'après de grands coups de pied au derrière. Trop tard ma grande, tu aurais dû te remuer bien plus tôt. Je vois à présent les fameuses images, "le film de ma vie défile sous mes yeux". La pellicule s'emballe et s'autoéjecte de mon crâne, j'oublie tout, souvenirs et traumatismes, dans un adieu chaotique. Les larmes coulent peut-être, noyées dans ces flots qui m'oppressent. Peu importe. Mon corps s'est replié comme une cannette compressée, bonne à recycler. Je suis vidée. Je me sens étrangement propre, comme un sou neuf. Autour de moi tout est calme, je redoute la tempête. Je relâche peu à peu tout ce qui me retient à la vie. La pression se fait soudain plus dense encore, déformant même les parois intangibles de mon tombeau liquide. Les cris lointains d'une femme atteignent péniblement mes oreilles innondées. Soudain, je suis aspiré vers les profondeurs du caisson ; les parois ont dû céder, je glisse vers le "je ne sais où". Mon corps racle les bords du chemin étroit et sinueux que j'emprunte inexorablement. Un fol espoir part à ma poursuite et gagne du terrain sur ma noyade en mouvement. Je me sens digéré, comme s'il ne restait bientôt plus rien de moi. Une lumière vive surgit de toute part et m'aveugle ; pendant un temps je n'y vois rien et ma mémoire tourne à vide. Vide. Où sont passées les eaux meutrières de l'angoisse qui me saisissaient tantôt ? J'en crache les derniers vestiges et inspire profondément. De l'air, enfin.


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