• Parmi les ordures

    Une petite course-poursuite pour réveiller un peu le blog !

         Plus vite ! Je cours comme un dératé, mais il faut que j'accélère. Il n'est pas loin, il peut encore m'avoir. Je claque les portes, je renverse les meubles, j'essaie de gagner du temps. Il court plus vite, je ne peux me contenter de mes jambes. Je dévale les escaliers, trébuche vers les dernières marches, me rattrappe de justesse sur le mur d'en face. Je jette un oeil en arrière, je devine son ombre à l'étage. Plus vite !
         La porte n'est pas loin, je me rue dessus. J'entends ses pas de course claquer lourdement sur les marches alors que j'ouvre. Je franchis le seuil en tirant la porte, poursuis mon sprint sans savoir où je vais. Je m'éloigne. Je lui échappe, du moins j'essaie. J'entends des bruits de porte, il est encore là. Je tourne au coin de la rue. Comment le semer ? Il n'y a pas un chat, personne pour me donner un coup de patte. Une palissade pas bien haute. Bien, tentons un coup de poker. J'accélère et bondis pour me hisser par-dessus la barrière. J'atterris de l'autre côté sans casse, j'ai de bons restes.
         "Grrrrrr..." Merde. Un chien ; en tête-à-tête avec un molosse, un colosse à mes trousses. "Crac !" Un grand fracas derrière moi fait sursauter le toutou, qui reste sur ses gardes. L'autre est juste derrière. Il se jette sur moi avec une telle fureur que nous en sommes projetés en avant. Le chien nous évite de justesse, puis choisit la plus hargneuse de ses proies. Mon prédateur roule de côté, grogne de douleur. Le chien s'accroche à pleine dent dans son épaule. Il a eu chaud, la gorge n'est pas loin. J'en profite pour filer à nouveau. Heureux contre-temps finalement. Je m'élance droit devant, bondis à nouveau pour repasser côté rue. Je traverse pour m'engouffrer dans une ruelle. "Kaï... Ahouuuu..." Le molosse n'aura pas pu le retenir plus longtemps. "Crac !" Le revoilà également côté rue. Il me faut une solution pendant que je suis hors de vue, maintenant. Mon seul secours se trouve cinq mètres plus loin. Une benne à ordure ; j'ai juste ce qu'il faut de temps pour ralentir un peu le rythme, l'ouvrir et me glisser à l'intérieur, retenant le couvercle pour éviter tout bruit.
         Pendant une fraction de seconde, l'odeur envahit mes narines et la nausée ma gorge. Je me reprends, pas le temps de dégobiller. Sous moi, des sacs plastiques heureusement fermés. Je me glisse le plus lentement possible parmi eux, mon corps coule doucement au plus profond du container. J'essaie de faire le moins de bruit possible. Soudain, j'entends des bruits de métal, quelqu'un s'acharne contre une poubelle. Plus un geste. C'est certainement lui. Je n'y vois rien, le noir total, et un jus visqueux s'égoutte sur mes paupières. Le silence, parsemé de quelques bruits nerveux, m'angoisse totalement. Soudain des bruits de pas approchent, un bruit sourd et un courant d'air : il a ouvert la benne. Alors que j'entame ma dernière prière, le couvercle se referme. Soulagement. "Boum !" Gulps ! Mon corps n'a jamais été aussi raide d'un coup ; j'en ai une crampe au mollet, et je ne peux même pas crier, même pas bouger. Il a dû se défouler contre la benne. Je reste là, parmi les déchets, avec mon dégoût et ma douleur, pendant encore une heure. Plus ou moins. J'ai un peu perdu la notion du temps. Je ne sais pas ce qui m'attend lorsque je me décide à sortir. Visiblement, rien d'autre que quelques rats qui se carapatent... Note pour plus tard : s'informer sur les époux des femmes mariées que l'on compte sauter.


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